DISCOURS DU SAINT-PÈRE JEAN-PAUL II
AUX MEMBRES DE LA COMMISSION PONTIFICALE BIBLI
Vendredi, 7 avril 1989
Monsieur le Cardinal,
Chers Amis,
Je remercie de tout cœur Monsieur le Cardinal Ratzinger pour les paroles aimables qu’il vient de m’adresser en me présentant la Commission Biblique, actuellement réunie à Rome pour étudier une nouvelle question. J’exprime aussi ma gratitude particulière à Monsieur Henri Cazelles, prêtre de Saint-Sulpice, diligent Secrétaire de la Commission, ainsi qu’à tous les membres venus ici des quatre coins du monde, pour leur disponibilité à mettre leurs diverses compétences au service d’une recherche commune.
Le thème de cette recherche est d’une importance vitale pour l’Eglise entière, puisqu’il s’agit de l’herméneutique biblique au regard des méthodes historiques et critiques. Le Concile nous a rappelé que toute la prédication de l’Eglise doit être «nourrie et régie par la Sainte Ecriture»[1]. La première question qui se pose est donc celle que les Actes des Apôtres expriment dans l’épisode de l’Ethiopien, à qui Philippe demandait: «Comprends-tu ce que tu lis?»[2]. L’Ethiopien avait besoin d’une interprétation. Une interprétation ne peut se faire sans méthode.
Votre Président vient d’évoquer la multiplicité des méthodes qui sont proposées de nos jours aux exégètes. Le fait n’est pas nouveau. Dès l’âge patristique, diverses écoles exégétiques se distinguaient précisément en fonction de leurs méthodes d’interprétation et elles donnaient ainsi à la Sainte Ecriture des éclairages complémentaires. Si le grand nombre des méthodes peut donner parfois l’impression d’une certaine confusion, il présente cependant l’avantage de mieux faire apparaître la richesse inépuisable de la Parole de Dieu.
Il est vrai que, plus d’une fois, certaines méthodes d’interprétation ont paru constituer un danger pour la foi, parce qu’elles ont été utilisées par des interprètes incroyants, dans l’intention de soumettre les affirmations de l’Ecriture à une critique destructrice. En pareil cas, il est nécessaire d’établir une claire distinction entre la méthode elle-même qui, si elle correspond aux exigences authentiques de l’esprit humain, contribuera à l’enrichissement des connaissances, et, d’autre part, des présupposés contestables – de type rationaliste, idéaliste ou matérialiste – qui peuvent peser sur l’interprétation et l’invalider. L’exégète éclairé par la foi ne peut, évidemment, adopter de tels présupposés, mais il n’en pourra pas moins tirer profit de la méthode. Dès l’Ancien Testament, le Peuple de Dieu a été encouragé à «s’enrichir des dépouilles des Egyptiens»!
Toute méthode a ses limites. Il est indispensable de les reconnaître. Cela fait partie de l’esprit scientifique, qui se distingue par là du scientisme. S’il a vraiment l’esprit scientifique, l’exégète croyant sera conscient de la valeur relative des résultats de ses recherches, et sa modestie, loin de nuire au rayonnement de son œuvre, en garantira l’authenticité.
Dans l’Eglise, toutes les méthodes doivent être, directement ou indirectement, au service de l’évangélisation. Ces derniers temps, on a entendu bien des chrétiens se plaindre de ce que l’exégèse était devenue un art raffiné, sans rapport avec la vie du Peuple de Dieu. Cette plainte peut évidemment être contestée; en bien des cas, elle n’est pas justifiée. Il y a lieu, cependant, d’y être attentif. La fidélité même à sa tâche d’interprétation exige de l’exégète qu’il ne se contente pas d’étudier des aspects secondaires des textes bibliques, mais qu’il mette bien en valeur leur message principal, qui est un message religieux, un appel à la conversion et une bonne nouvelle de salut, capable de transformer chaque personne et la société humaine tout entière, en l’introduisant dans la communion divine.
Le soir de Pâques, en se manifestant à ses disciples, Jésus «leur ouvrit l’esprit à l’intelligence des Ecritures»[3]. Je vous souhaite la même grâce, afin que votre travail soit d’une grande fécondité pour l’Eglise et pour le monde. Dans cette intention, je vous donne de grand cœur ma Bénédiction Apostolique.
[1] Const. Dei Verbum, n. 21.
[2] Ac 8, 30.
[3] Lc 24, 45.
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