LETTRE DU PAPE PAUL VI
À MONSIEUR RENÉ MAHEU,
DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’UNESCO POUR LA
8e JOURNÉE MONDIALE DE L'ALPHABÉTISATION*
A Monsieur René Maheu
Directeur Général de l’UNESCO
Au moment où l’UNESCO, au terme de son programme mondial de dix ans, engage une nouvelle phase de sa lutte contre l’analphabétisme, Nous voulons redire tout l’intérêt que l’Eglise et le Saint-Siège portent à ce problème mondial, confirmant ainsi l’action poursuivie au cours des siècles et en bien des régions pour la promotion culturelle des peuples, auprès des adultes comme des jeunes.
L’homme désire naturellement savoir: la connaissance le fait accéder à un rapport nouveau avec la nature; elle lui donne surtout des possibilités renouvelées de dialogue avec ses semblables. La diffusion généralisée d’une instruction de base vise donc à remédier aux inégalités et aux discriminations sociales, à permettre l’accès aux responsabilités dans la vie privée et collective, à favoriser une meilleure compréhension entre les générations, contribuant ainsi à établir des conditions de communication authentique entre les hommes.
Malgré les efforts déjà accomplis, le problème reste grave et urgent, en raison de la croissance démographique et des charges accrues que les exigences d’une alphabétisation plus poussée imposent aux nations. Certes, le travail important effectué par l’UNESCO au cours des dernières années fournit une base solide de recherches et d’expérimentations. Profitant de l’expérience acquise, il convient de promouvoir maintenant une action plus large, s’adressant sans discrimination à toutes les catégories des populations. La responsabilité de telles entreprises relève alors d’une manière spéciale des autorités nationales: il leur revient de diriger les investissements et les priorités éducatives, tout en demeurant largement ouvertes au concours des initiatives privées qui s’offrent pour contribuer, de manière désintéressée, à l’effort commun. Depuis longtemps, l’Eglise a su prendre sa part dans ce service des plus déshérités, là en particulier où la pauvreté règne en maître, là où il n’y a pas à espérer de profit matériel, mais où la joie de voir l’homme, «debout», devenir participant de sa propre éducation, améliorer lui-même la qualité de sa vie et en découvrir enfin le sens dernier, est la seule récompense de ceux qui reconnaissent en tout être humain une image du Créateur.
Dans ce domaine privilégié de la collaboration humaine, les besoins demeurent immenses. Leur satisfaction devrait être un objectif prioritaire de la politique intérieure comme de la coopération internationale.
Comment ne pas s’étonner, alors, en considérant l’importance que tant de pays, - même parmi ceux qui sont en voie de développement -, accordent unilatéralement à la recherche d’une croissance économique purement matérielle, ou bien plus encore, de manière désastreuse, à des dépenses militaires qui contribuent si souvent à rendre précaires la paix et la sécurité? Comment ne pas rappeler surtout la grave obligation morale, pour les dirigeants des nations riches, de faire prendre conscience à leurs compatriotes du grave devoir de se sentir solidaires des peuples défavorisés, de les aider de manière désintéressée et d’inclure cette aide dans leurs programmes économiques au lieu de chercher constamment, sur le plan national ou international, à tirer le meilleur profit de leurs investissements?
La coopération internationale doit donc s’effectuer dans un esprit de sincérité, de service désintéressé, dans le respect des spécificités culturelles de chaque peuple, avec la volonté d’éviter tout ce qui serait recherche indue d’influente ou forme subtile de domination.
C’est pourquoi Nous saluons et Nous encourageons la création envisagée d’une «Fondation internationale pour l’alphabétisation». Nous espérons qu’elle permettra d’apporter aux moins favorisés, dans le cadre de la deuxième Décennie du développement, l’aide désintéressée dont ils ont besoin, tout en fournissant aux pays les plus riches un moyen d’agir qui évite le plus possible l’esprit de rivalité ou de domination.
Dans ces perspectives, Nous saisissons l’occasion de la célébration de la Journée internationale de l’alphabétisation pour formuler de nouveau nos vœux les meilleurs pour le développement de cette grande œuvre de fraternité humaine sur laquelle Nous invoquons, ainsi que sur tous ses ouvriers, l’abondance des divines bénédictions.
PAULUS PP. VI
7 septembre 1974
*AAS 66 (1974), p.496-498;
Insegnamenti di Paolo VI, vol. XII, p.802-804;
OR 8.9.1974, p.1;
ORf n.37 p.3;
La Documentation catholique n.1662 p.855-856.
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