DISCOURS DU PAPE PAUL VI
AU PÈLERINAGE DES «EQUIPES NOTRE-DAME»
Mercredi 22 septembre 1976
Votre présence, chers Fils et Filles, foyers et aumôniers des Equipes Notre-Dame, apporte à celui qui, dans la grande famille ecclésiale, exerce la mission de Père, une joie profonde.
Joie de voir se profiler derrière chaque foyer les visages de ses enfants et petits enfants et de Nous sentir ainsi entouré, non seulement de couples, mais de familles entières. Joie de Nous adresser, par vous, aux milliers de foyers des Equipes Notre-Dame que vous représentez en quelque sorte. Joie enfin de savoir que, à travers vous, notre voix s’adresse à tous les chrétiens appelés à réaliser dans le mariage et la vie de famille une authentique vocation humaine et chrétienne.
Cette joie est d’autant plus grande que votre rassemblement international a lieu à Rome, où I’on peut toucher comme du doigt cette grâce bienfaisante qui est la découverte toujours renouvelée de l’universalité de l’Eglise.
Gardez bien à l’esprit les paroles fondamentales que Nous vous avons adressées lors de votre dernière visite et que vous avez méditées comme une charte de la spiritualité conjugale (Cfr. «L’Osservatore Romano», 7 maii 1970; AAS 62 (1970) 428-437). Nous n’avons point besoin d’y revenir ce matin. Mais aujourd’hui où l’évolution de la société en vient à remettre en question même le domaine de la morale, Nous voulons seulement y ajouter quelques brèves réflexions pour affermir vos convictions en face des questions soulevées ces derniers temps au sujet de la famille, pour fortifier votre foi et consolider votre espérance dans ce sacrement de mariage qui est bien le vôtre, pour que vous le viviez en plus grande plénitude «parmi les tribulations du monde et les consolations de Dieu» (S. AUGUSTINI De Civitate Dei, XVIII, 51. 2: PL 41, 614, in Lumen Gentium, 8 relatum).
En évoquant le titre magnifique et compromettant d’«Eglise domestique», Nous avons, il y a quelques mois, rappelé aux familles chrétiennes le potentiel évangélisateur qui est en elles (PAULI PP. VI Evangelii Nuntiandi, 71). Nous les avons invitées à penser que la force de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, annonce du Salut, prédication de la loi d’amour et des exigences évangéliques, appel à entrer dans la communauté des croyants, est présente à l’intérieur de chaque famille chrétienne dans le courant d’affection, de confiance, d’intimité qui unit ses membres. Mais, ajoutions-Nous aussi, cette force doit également rayonner des familles chrétiennes vers d’autres familles.
Nous avons déjà abordé ce thème en Nous adressant au Comité pour la Famille lors de sa dernière Assemblée (Cfr. «L’Osservatore Romano» 14 martii 1974; AAS 66, (1974) 232-234) et tout récemment encore Nous avons souligné que, pour construire l’Eglise universelle et les Eglises locales, il faut commencer par l’humble et indispensable construction de l’Eglise domestique (Cfr. «L’Osservatore Romano» 12 augusti 1976).
Permettez-Nous de vous le rappeler ici: le mariage est certes un état de vie volontairement choisi, dans lequel on cherche le bien être, le bonheur du couple et des enfants, que l’on vit – surtout lorsqu’on est chrétien - sous la lumière de la foi et en comptant sur la grâce de Dieu. Mais c’est également un témoignage que l’on rend et une mission que l’on accomplit. Et, par ces dernières dimensions, l’institution familiale est tournée vers le dehors, vers les autres, elle est faite pour le bien d’autrui. La famille doit donc chercher à avoir en tant que telle une valeur évangélisatrice et missionnaire. Elle accomplit cette mission en s’efforçant de porter un témoignage réel de vie chrétienne et de devenir ainsi toujours davantage un appel à accueillir la Bonne Nouvelle de l’Evangile.
Le fait d’être officiellement reconnu par le Saint-Siège comme Organisation Internationale Catholique, pourra manifester et consacrer votre volonté de participer toujours davantage à toute la vie de l’Eglise et Nous nous en réjouissons.
D’innombrables foyers vous seront reconnaissants de l’aide que vous leur apporterez ainsi. La plupart des couples, en effet, ont aujourd’hui besoin d’être aidés. Ils sont en proie à la méfiance et au doute d’abord, puis à la peur et au découragement et finalement à l’abandon des plus nobles valeurs du mariage. Ils sont souvent dans cet état parce que ceux qui devraient être des maîtres ont mis en doute ces valeurs, en ont rabaissé les dimensions théologales, ont estimé utopiques, dépassées, inaccessibles, inutiles, les exigences les plus fondamentales du mariage et de la famille.
Il faut donc réaffirmer sans cesse ces valeurs et ces exigences par le témoignage des foyers chrétiens, mais aussi, c’est une nécessité de notre temps, par la parole claire et courageuse des pasteurs et des maîtres, dans une adhésion sans faille au Magistère de l’Eglise.
Le mariage - ne cessons pas de le rappeler - est une communion fondée sur l’amour et rendue stable et définitive par une alliance et un engagement irrévocables. L’amour vrai est donc l’élément le plus important de cette communion: celui qui est don, renoncement, service, dépassement. Mais cette communion une fois scellée n’est plus à la merci des hauts et des bas d’un vouloir humain subjectif, changeant et instable. Elle dépasse les alternances de la passion, de l’arbitraire des conjoints. C’est pourquoi le mariage ne peut pas être livré aux vicissitudes du sentiment, aussi noble qu’il soit, mais en tant que tel, sujet à variations, à l’affaiblissement, aux déviations, au dépérissement. Nous voulons réaffirmer encore cette doctrine traditionnelle déjà rappelée par la Constitution pastorale «Gaudium et Spes» (Cfr. Gaudium et Spes, 48),6 contre la fallacieuse argumentation selon laquelle le mariage prend fin lorsque l’amour - mais quel amour? -s’éteint (Cfr. PAULI PP. VI Allocutio ad Sacram Romanam Rotam, 9 februarii 1976: AAS 68 (1976) 204-208).
Pour les chrétiens, cet engagement est pris devant Dieu et devant l’Eglise. La relation interpersonnelle des époux devient un sacrement: elle est garantie par une présence active et déterminante du Christ lui-même. Voilà ce qui fait la splendeur du mariage chrétien; voilà ce qui donne l’assurance que les exigences de l’amour conjugal peuvent être assumées sans crainte par les époux, même par les êtres faibles et pécheurs qu’ils demeurent. La page de l’Evangile de saint Jean où il est dit, à propos des Noces de Cana, que Jésus lui-même était là (Cfr. Io. 2, 2) doit avoir une signification littérale dans la vie des couples chrétiens. Il doit ‘être l’invité de toutes les heures, capable de transformer l’eau de la routine et du laisser-aller, toujours à craindre, dans le vin d’un amour toujours rajeuni, dans celui d’un idéal rénové, dans celui d’une force reprise pour vaincre les obstacles. L’amour de Dieu s’enracine d’autant plus dans vos vies que vous vous entraidez réciproquement à vous ouvrir à Lui.
Ainsi comprise cette communion interpersonnelle, élargie par la naissance des enfants, est une marque de l’amour et de la bonté de Dieu. Chaque couple chrétien et chaque foyer de chrétiens proclame par leur seule existence que Dieu est amour et qu’Il veut le bien de l’humanité.
La croix n’est certes pas absente de cette communion comme elle n’est pas absente d’aucune manifestation d’amour. Il serait donc vain et dangereux de vouloir un mariage qui ne portât point le signe de la croix, soit par des souffrances physiques, soit par des douleurs morales ou spirituelles. Vous êtes là cependant pour témoigner que la grâce, la force et la fidélité de Dieu donnent la force pour porter la croix. Le sacrement est une source permanente de grâce qui accompagne les époux tout au long de leur vie.
C’est d’ailleurs cette fidélité de Dieu sur laquelle insistent saint Paul (Cfr. 1 Cor. 1, 9; 2 Tim. 2, 13) et saint Jean (1 Io. 1, 9; Apoc. 1, 5; 3, 14); elle a suscité le vouloir: elle permettra l’accomplissement; l1 elle inspire, provoque et en même temps rend possible la fidélité dans le mariage. Généreuse et magnanime fidélité d’un conjoint à l’autre, des deux à leur mission commune et à l’idéal qu’ils ne réaliseront qu’ensemble et côté à côté, comme le mariage les a trouvés, fidélité à leurs enfants, fidélité à la société dans laquelle ils vivent et qu’ils acceptent de bien servir. Il est alors possible, quoiqu’on en dise de nos jours, de garder et d’épanouir cette fidélité jusqu’au bout, jusqu’à la fin.
Vos Equipes sont nées dans une heure critique de l’histoire, lorsqu’une horrible guerre venait d’accumuler bien des ruines dont les plus graves furent morales et spirituelles. Votre mouvement a contribué au maintien et à l’approfondissement de l’idéal de la famille chrétienne. Demeurez ce que vous avez voulu être depuis le premier jour, en maintenant votre vocation de véritable école de spiritualité pour les foyers, profondément fidèles, en tous domaines, doctrinal, liturgique et moral, au Magistère de l’Eglise (Phil. 2, 13).
Aux prêtres aumôniers des Equipes, «Je les exhorte, prêtre comme eux, témoin des souffrances du Christ et qui dois participer à la gloire qui va être révélée» (1 Petr. 5. 1): n’hésitez pas à donner le meilleur de votre compétence, de vos forces, de votre zèle pastoral à ce champ apostolique privilégié. Vous y trouvez une portion de l’Eglise dont vous êtes pasteurs. Ne cédez pas à la tentation de croire que votre travail pastoral se limite à un petit groupe de chrétiens. Votre action se multipliera par le rayonnement de tant de foyers. Vous les aidez à approfondir leur vie chrétienne: que la vôtre s’approfondisse dans une égale mesure.
Nous formons des vœux pour que ce pèlerinage à Rome et à Assise vous aide à implanter dans tous les pays les valeurs essentielles du mariage et à susciter des familles qui en vivent. Dans cette espérance, chers Fils et chères Filles, Nous vous assurons de notre prière et Nous vous donnons une paternelle Bénédiction Apostolique.
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