MESSAGE DU PAPE PAUL VI,
SIGNÉE PAR LE SECRÉTAIRE D’ETAT,
AU CARDINAL BAGGIO
À L’OCCASION DE LA «JOURNÉE DU MIGRANT»
Jeudi 4 novembre 1976
Monsieur le Cardinal,
La plupart des Eglises locales célèbrent chaque année une «Journée du Migrant», à la date fixée par la Conférence épiscopale. En certains pays, cette célébration coïncide avec le commencement de l’Année liturgique, temps d’espérance pour le peuple de Dieu qui demeure toujours sur la terre un peuple pèlerin à la recherche d’une patrie (Cfr. Hebr. 11, 13-14). Aussi le Saint-Père a-t-il choisi cette occasion pour adresser à tous les frères migrants une cordiale salutation et féliciter toutes les communautés chrétiennes qui, encouragées par la Commission pontificale pour la pastorale de l’émigration et du tourisme, ont su prendre d’heureuses initiatives et sensibiliser leurs membres au grave phénomène des migrations.
Le Souverain Pontife m’a chargé de vous manifester, en votre qualité de Président de la Commission pontificale, sa propre sollicitude, en rappelant notamment la responsabilité solidaire qui incombe aux Eglises locales en ce domaine difficile.
Le Saint-Père n’oublie pas les transformations importantes qui affectent le monde des migrants. Il sait en particulier les nouvelles épreuves que leur impose en beaucoup d’endroits la crise économique et qui viennent s’ajouter à des problèmes personnels, familiaux, culturels et sociaux déjà aigus. Il considère aussi que les migrants eux-mêmes ont acquis une conscience plus vive de leur condition et de leurs droits humains. Enfin, il est informé de l’action accomplie en leur faveur aux divers niveaux, surtout dans le domaine international.
Une telle situation, toujours plus complexe, mouvante, dramatique parfois mais également stimulante pour le progrès, appelle l’Eglise à accentuer son action pastorale de façon toujours plus réaliste et concrète. Les communautés chrétiennes, éprouvées par l’exode de leurs populations, considéreront avec une nouvelle urgence l’effort qui leur revient, pour «développer, rajeunir, créer, si besoin est, des services pastoraux de préparation et d’accompagnement des travailleurs et de leurs familles», comme le Souverain Pontife le précisait dans une autre occasion (PAUL PP. VI, Discours au Congrès européen sur la pastorale des migrants: AAS 65 (1973) 591). De même les communautés chrétiennes d’accueil s’emploieront à exercer toujours mieux leur responsabilité pastorale, qui est capitale et requiert de leurs membres de «se faire pauvres avec les pauvres» (Ibid. 592). Les unes et les autres doivent plus que jamais collaborer, dans un esprit de dialogue et d’entraide réciproque.
Cette solidarité puise ses racines profondes et son envergure dans le mystère même du peuple de Dieu qui «emprunte à tous les peuples ses propres citoyens» (Lumen Gentium, 13), pour construire une réalité unique, dans laquelle les diverses parties participent au mystère de l’Eglise une et universelle, si bien qu’en elle il ne peut y avoir «ni étranger ni hôtes de passage, mais seulement des frères».
Les migrations, vues sous certains aspects, sont une occasion de pratiquer la charité ecclésiale au sens plein et concret du mot. C’est pourquoi le Saint-Père lance de nouveau un appel pressant, afin que les fils de l’Eglise se sentent profondément obligés, en conscience, d’apporter un concours toujours plus intense au développement d’un authentique esprit de fraternité envers les migrants, au-dessus des préjugés et des contingences. Ainsi l’Eglise, qui s’emploie sans cesse à ce que les discriminations pénibles soient dépassées, pourra donner, en son propre sein, un exemple crédible et convainquant. Et de cet esprit de fraternité pourront s’inspirer toutes les actions capables de promouvoir efficacement la justice sociale.
Une expression qualifiée de cette charité sera la promptitude à tenir compte des particularités des migrants pour tout ce qui touche la préparation et le développement des institutions pastorales, selon les directives que le Saint-Siège n’a pas manqué de donner ces derniers temps (Cfr. PAULI PP. VI Pastoralis Migratorum Cura: AAS 61 (1969) 601-603), et aussi l’attention primordiale accordée à la charge spirituelle, inséparable du souci de la promotion sociale. Il est bon ici de se rappeler l’importance que le Souverain Pontife accorde à cette évangélisation dans l’Exhortation Apostolique «Evangelii Nuntiandi».
Tous ces souhaits trouvent leur inspiration et leur stimulant dans la «civilisation de l’amour», formule typique dans laquelle le Saint-Père a voulu condenser les fruits et les expériences spirituelles du récent Jubilé universel, prélude et orientation pour les étapes ultérieures de l’histoire, levain dont la pastorale des migrants est un élément significatif et irremplaçable.
Le Souverain Pontife espère que les célébrations de la «Journée du Migrant» contribueront à la maturation de la mentalité chrétienne en ce domaine. Il assure tous les migrants et leurs familles de sa particulière affection; il leur souhaite prospérité et sérénité, en se souvenant d’eux continuellement dans la prière. Il exprime aussi sa satisfaction et ses encouragements aux prêtres qui vivent auprès d’eux et à tous ceux qui travaillent en leur faveur. A tous, il accorde sa paternelle Bénédiction Apostolique.
Je suis heureux, Monsieur le Cardinal, de vous transmettre ce message et de vous redire à cette occasion mon cordial et fidèle dévouement en N. S.
GIOVANNI Card. VILLOT
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