DISCOURS DU PAPE PAUL VI
À LA SESSION PLÉNIÈRE DU SECRÉTARIAT
POUR L’UNITÉ DES CHRÉTIENS
Vendredi 12 novembre 1976
Chers Frères et Fils dans le Seigneur,
Il nous est particulièrement agréable de vous recevoir aujourd’hui, vous qui avez accepté de venir de toutes les parties du monde pour prendre part à la Session plénière de Notre Secrétariat pour l’Unité. Vous avez d’abord réfléchi sur les implications œcuméniques de la catéchèse, mais vous avez aussi à évaluer l’action menée depuis votre dernière réunion plénière et à discerner les initiatives à prendre en vue d’intensifier cette action. Vous êtes en effet réunis pour promouvoir l’unité des chrétiens. «Promouvoir la restauration de l’unité entre tous les chrétiens» était l’un des buts principaux du deuxième Concile du Vatican (Cfr. Unitatis Redintegratio, 1). C’est pourquoi dès sa période préparatoire un Secrétariat était fondé dont le nom même indiquait qu’il était destiné à servir à cette tâche primordiale de l’Eglise. Il devait le faire à l’intérieur de l’Eglise catholique en préparant un décret conciliaire et ses directives d’application, en développant des relations de fraternelle collaboration avec les commissions œcuméniques des Conférences épiscopales. Il devait le faire aussi en établissant et en développant des relations avec les autres Eglises et communautés ecclésiales. Par la présence des observateurs durant le Concile, les futurs dialogues ont été ébauchés comme ont été préparées nos rencontres avec les pasteurs de leurs Eglises. Comment ne pas évoquer ici ce que le peuple chrétien a appelé la sainte rencontre, celle avec le vénéré patriarche Athénagoras sur le mont des Oliviers à Jérusalem? Depuis ces années, par une inlassable activité, notre Secrétariat poursuit ce service de l’Unité.
Plusieurs d’entre vous viennent pour la première fois participer aux travaux de cette session plénière. Vous y venez à un moment où, en ce domaine de l’œcuménisme comme en tant d’autres choses il est de mode de parler de crise. En réalité, le Concile et les années qui l’ont suivi ont été marqués de profonds et rapides changements dans les relations de 1’Eglise catholique avec les autres Eglises chrétiennes.
La méconnaissance réciproque a rapidement reculé devant la redécouverte des liens de communion qui nous unissaient en dépit de nos divergences (Ibid. 3). Nous nous sommes redécouverts comme frères, frères encore désunis il est vrai, mais vraiment frères qui «justifiés par la foi reçue au baptême, incorporés au Christ portent à juste titre le nom de chrétiens» (Unitatis Redintegratio, 3).
La joie de ces retrouvailles a peut-être fait penser à beaucoup que l’on était à la veille d’atteindre le terme de la pleine communion retrouvée. D’où leur désillusion, leur impression de piétinement lorsque le dialogue théologique s’est engagé et s’est développé. Voulant nous guérir du mal de nos divisions, il nous a fallu, dans un commun effort de lucidité fraternelle, en discerner les véritables causes et en découvrir les racines. Il est fatal que les progrès qui s’accomplissent en ce domaine soient moins perceptibles au grand nombre. Il s’agit d’un effort de fidélité renouvelée et approfondie à la Parole de Dieu, comprise et vécue dans la grande tradition multiforme de l’Eglise, Une, Sainte, Catholique et Apostolique.
Des convergences s’affirment; des accords s’esquissent, par exemple sur les réalités fondamentales du baptême, de l’eucharistie, du ministère de l’unité dans l’Eglise. Des études commencent ou se poursuivent sur l’autorité de l’Eglise dans son enseignement.
L’Eglise catholique est déterminée à continuer et à intensifier sa contribution à cet effort commun de tous les chrétiens. C’est d’ailleurs «une exigence de l’œuvre de prédication et du témoignage à rendre à l’Evangile», comme Nous l’affirmions dans notre récente Exhortation sur l’Evangélisation dans le monde moderne (Cfr. PAULI PP. VI Evangelii Nuntiandi, 77), en reprenant le vœu des Pères de la troisième Assemblée générale du Synode des Evêques. Et Nous devons tous collaborer à promouvoir cette «civilisation de l’amour» qui nous semble de plus en plus être une nécessité de l’action des chrétiens en ce monde.
Le fait que nous ne soyons pas encore au terme, que de sérieux obstacles soient encore à surmonter, ne doit pas nous décourager ni nous arrêter; bien au contraire, il faut intensifier notre effort, pour mettre en œuvre le décret conciliaire, les directives que Nous avons données depuis lors, et les orientations publiées par ce Secrétariat pour la collaboration œcuménique au plan national et au plan local.
Nous voudrions aussi rappeler avec insistance l’importance fondamentale de l’œcuménisme spirituel. Conversion du cœur, renouvellement de l’esprit, renoncement à soi-même, libre effusion de charité (Cfr. Unitatis Redintegratio, 8) dont, sous cet aspect, tous et chacun des fidèles sont responsables. La vraie conversion du cœur nous met dans une attitude profonde d’offrande de tout nous-mêmes au Père par le Fils dans l’Esprit Saint, et est la source mystérieuse du désir de l’unité. Elle jaillit non seulement en supplication vers Celui qui seul peut nous mener là où nous tendons, mais aussi en ferventes et fraternelles prières les uns pour les autres.
La recherche de l’unité exige aussi une complète loyauté à toutes les exigences de la vérité. Cette loyauté ne s’oppose pas à ce que, dès maintenant, nous nous efforcions de témoigner ensemble avec nos frères de tout ce que nous professons en commun. Mais ce qu’il faut éviter c’est d’agir maintenant «comme si» nous étions au terme. Ce serait rendre un très mauvais service à notre marche en avant. On la retarderait considérablement en la dirigeant vers des impasses.
Il faut avec prudence, mais sans hésiter, aller de l’avant, muni par un amour assez fort pour témoigner de toute la vérité tenant ferme l’ancre de notre espérance (Cfr. Hebr. 6 , 18-19) et dociles à l’Esprit Saint qui ne cesse de nous guider vers la vérité tout entière (Cfr. Io. 16, 13), vers cette vérité qui est inséparablement voie et vie, vers cette vérité qui est le Christ (Ibid. 14, 6).
Que le Seigneur vous donne abondamment sa lumière dans vos travaux afin que soit hâté le jour où l’unité de tous pourra se célébrer et se sceller dans la concélébration de l’Eucharistie.
Avec vous, Nous le demandons de tout notre cœur, en vous donnant la Bénédiction Apostolique.
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