DISCOURS DU PAPE PIE XII
À L'ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE ET MINISTRE
PLÉNIPOTENTIAIRE DES PAYS-BAS,
S.E.M. JONKHEER MARC WILLELM VAN WEEDE*
Mercredi 16 août 1944
Monsieur le Ministre,
La présence en ce lieu d'un Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire de Sa Majesté la Reine des Pays-Bas, renouvelée en un moment de telle importance pour les peuples de l'Europe et du monde, emprunte aux circonstances extérieures qui ont précédé le rétablissement de cette Légation et aux transformations morales et spirituelles qui l'accompagnent, une physionomie saisissante et caractéristique.
L'antique édifice de l'ordre juridique international pour la sauvegarde de la paix, construit au prix de tant de travaux et d'efforts, a subi, depuis l'éclatement de la guerre, une secousse sans exemple dans l'histoire.
Cet ébranlement a fait entendre aux esprits droits de tous les peuples comme un rappel impérieux aux éternels principes fondamentaux de tout statut juridique, ainsi qu'au rapprochement de tous ceux qui, par dessus les multiples différences d'origine et de coutumes, se trouvent d'accord dans l'affirmation et la défense de ces mêmes principes.
Le sentiment commun des périls qui menacent le patrimoine des plus précieuses valeurs culturelles crée, entre les investigateurs et les penseurs les plus divers par leurs dénominations et leurs tendances, des contacts d'où peuvent jaillir de nouvelles lumières et de nouvelles résolutions fécondes pour le progrès de l'humanité.
Parmi ces peuples, les Pays-Bas occupent une place spéciale et honorable grâce à la noble tradition juridique qui a profondément enraciné dans les esprits la conviction de la primauté morale du droit.
C'est sur le sol néerlandais que se sont élevés les premiers instituts et tenues les premières conférences internationales tendant à limiter, dans les conflits entre les États, l'usage de la force pour lui substituer progressivement les moyens pacifiques. Travaux et efforts dignes d'éloge, qui ne furent malheureusement pas couronnés d'un succès proportionné à l'importance des problèmes discutés et au vrai bien des peuples qui y ont pris part.
Aujourd'hui, que les terribles vicissitudes de cinq années de guerre ont dessillé les yeux et remué les consciences des peuples, tous les esprits réfléchis savent quelles tragiques conséquences entraînent l'exaltation de l'idée que la force prime le droit.
Le peuple hollandais qui, malgré ses soins pour se tenir en dehors de la lutte, s'est trouvé emporté et précipité dans un abîme de douleurs, adhérera, par le fait, d'autant plus pleinement et chaleureusement à tout ce qui pourra contribuer à restaurer la prééminence du droit sur le génie de la violence, afin que, dans une nouvelle communauté des peuples, soit rendu, même aux États qui ne sont pas compris dans la catégorie des grandes puissances, le sentiment de la sécurité de droit et de fait devant les digues rompues par la véhémence des vagues de cette guerre dévastatrice.
Ce n'est que par une transformation profonde des esprits que les institutions destinées à l'établissement et à la garantie d'une paix véritable, pourront acquérir, avec le prestige moral, la force intime, faute de laquelle tout effort, tout sacrifice demeurerait vain.
Frayer la voie à cette évolution des esprits et, par là, à l'avènement d'une paix qui réponde à toutes les aspirations de la conscience humaine et chrétienne, telle sera toujours Notre constante et attentive sollicitude.
Et Nous sommes sûr que, dans cette tâche, Nous trouverons la plus sincère adhésion auprès du peuple néerlandais qui a traversé avec un courage exemplaire ces dures années de sa vie, auprès de son Gouvernement soucieux de consolider les relations cordiales avec le Saint-Siège, auprès de Sa Majesté la Reine qui, par la fidélité à ses devoirs de souveraine, même au milieu des tribulations, s'est acquis l'admiration respectueuse de quiconque sait apprécier la véritable grandeur.
Le rétablissement de la Légation Royale des Pays-Bas Nous cause une satisfaction d'autant plus grande qu'il est le fruit de l'esprit de concorde, mûri au sein du peuple néerlandais dans les heures des communes souffrances endurées pour la Patrie, souffrances desquelles le très digne épiscopat, le clergé plein de zèle et les fidèles catholiques ont pris vaillamment leur large part avec tout l'ensemble de la nation.
C'est Notre ardent désir que l'effet d'une si noble inspiration rende toujours plus étroits et plus féconds les rapports entre le Saint-Siège et les Pays-Bas. Et en adressant de tout cœur à Votre Excellence Nos vœux de bienvenue et en implorant sur Elle les bénédictions du Ciel, Nous avons plaisir à Lui donner l'assurance que, dans l'accomplissement de Sa haute Mission, ne Lui feront jamais défaut Notre confiance, Notre efficace et bienveillant appui.
* Discours et messages-radio de S.S. Pie XII, VI,
Cinquième année de pontificat, 2 mars 1944 - 1er mars 1945, pp. 115-117
Typographie Polyglotte Vaticane
AAS 36 (1944), p.264-265.
L’Osservatore Romano 16-17.8.1944, p.1.
Documents Pontificaux 1944, p.149-151.
Actes de S.S. Pie XII, vol.IV, p.186-187.
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