DISCOURS DU PAPE PIE XII
À L'U.N.R.R.A. - ADMINISTRATION DES NATIONS UNIES
POUR LES SECOURS ET LA RECONSTRUCTION*
Dimanche 8 juillet 1945
Vous comprendrez, Messieurs, quel grand plaisir c’est pour Nous de recevoir une délégation aussi distinguée de l’U.N.R.R.A., conduite par son estimé et honorable directeur général.
Au cours de l’année dernière, des milliers, des dizaines de milliers de personnes ont visité les salles du Vatican. Tous les jours ou presque, Nous les avons reçues, Nous Nous sommes entretenu avec tant d’entre filles, de tous âges, de toutes classes sociales, de différentes nationalités. Derrière et au-delà de ces personnes, Nous avons pu en voir par la pensée des millions d’autres à travers le monde qui regardent comme elles vers l’avenir avec un ardent espoir, mais non sans méfiance et même avec peur ; quelques-unes peut-être avec peu, trop peu d’espoir.
Elles se posent à elles-mêmes la question l’homme a-t-il certains droits donnés par Dieu que l’État est obligé de protéger et qu’il ne peut enfreindre ? Ou bien, cette notion doit-elle prévaloir qui assigne à l’État un pouvoir illimité en ne laissant à l’individu que les droits et les prérogatives que l’État juge utile de lui laisser ? Qui ne voit les conséquences fatales d’une telle erreur ? Elle mène inévitablement à la domination despotique d’un seul individu ou de quelques-uns qui sans pitié ni scrupules ont réussi à s’emparer du pouvoir et à bloquer ou à empoisonner les chemins naturels de la vie nationale, du peuple. La véritable liberté y végète et succombe. Bien plus, pareille prétention à un pouvoir absolu et irresponsable dans l’État laisse à la merci de ce même despotisme capricieux la stabilité des relations internationales, et les bases de toute paix durable sont ébranlées.
Il n’est donc pas étonnant que beaucoup d’hommes sensés soient inquiets pour l’avenir, et que les grandes espérances de nombreux peuples du monde entier commencent à faiblir.
II revient aux dirigeants responsables de la pensée politique et des gouvernements de toutes les nations de soutenir aujourd’hui ces peuples ; de les encourager dans leurs efforts pour se dégager des ruines d’un passé malheureux vers une nouvelle vie nationale, meilleure et plus stable ; de leur faire comprendre avant tout, même aux minorités nationales, qu’elles jouiront d’une entière et authentique liberté en ce qui leur est le plus cher, leur vie culturelle et religieuse.
Votre magnifique organisation, Messieurs, apporte une puissante et nécessaire contribution à ce but précis, et l’Europe ne cessera jamais de vous en bénir. Puisse Dieu donner force à votre bras, lumière et courage aux inspirations de votre cœur, et vous accorder la précieuse consolation de savoir que vous faites un bien incomparable à votre prochain dans sa misère et ses souffrances pitoyables : c’est une véritable œuvre selon le Christ.
Nous appelons sur vous, Monsieur le directeur général de l’U.N.R.R.A. et sur tous vos collaborateurs, les meilleures bénédictions de Dieu; qu’il bénisse également tous les assistants et tous ceux qui vous sont proches et chers.
* Documents Pontificaux 1945, p.163-164.
Actes de S.S. Pie XII, tome VII, p.150-151.
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