DISCOURS DU PAPE PAUL VI
LORS DE LA PRÉSENTATION DES VŒUX
AU CORPS DIPLOMATIQUE*
Samedi 28 décembre 1963
Excellences, Chers Messieurs,
La nuit de Noël nous a rassemblés autour de l’autel dans une atmosphère d’intimité religieuse caractéristique de cette incomparable fête. Aujourd’hui, c’est la perspective du renouvellement de l’année qui invite à une nouvelle rencontre pour l’échange des vœux traditionnels : rencontre du Pape avec les représentants des nations - en temps de Concile - à la veille d’un pèlerinage aux Lieux saints: autant de circonstances que vient d’évoquer en termes délicats votre très digne interprète, et où Nous aimons à discerner, Nous aussi, les traits providentiels qui marquent cette aurore de l’année 1964.
1. Le Pape et les nations : l’autorité religieuse et morale entourée des représentants de l’autorité temporelle, engagée avec eux non pas dans une compétition de puissance et de prestige, mais dans un dialogue tout empreint de bienveillance et de cordialité, tout animé du désir commun et sincère de faire régner plus parfaitement entre les peuples la loyauté, la justice, l’amour réciproque, la paix: voilà, en vérité, un spectacle bien suggestif. Et que de réflexions encore on pourrait faire sur le nombre et la variété des nations représentées ici, sur la place toujours prête à accueillir les autres, sur l’assurance donnée à toutes - aux nouvelles venues comme aux plus anciennes -de voir chacune sa dignité pleinement reconnue, respectée, honorée... Le temps Nous manque, mais ces brèves notations suffisent à vous faire sentir, Messieurs, combien profondément Nous sommes conscient de la haute signification que revêt à Nos yeux votre présence en ce jour ici, autour de Notre humble personne.
2. Les nations et le Concile. Vous avez été témoins comme tant d’autres, mais de plus près et à un titre privilégié, de cet immense rassemblement des évêques de vos pays et du monde entier. On aurait pu s’attendre à ce qu’une assemblée de ce genre, où se discutent en latin des points de doctrine ou de discipline ecclésiastique, n’attirât pas spécialement sur elle l’attention du grand public.
C’est tout le contraire qui s’est produit, vous l’avez vu comme Nous. Jamais encore, on peut le dire, un événement religieux n’avait occupé une pareille place au plan de l’information mondiale. Cet intérêt porté au Concile, par les autorités comme par les populations, Nous apparaît comme un signe encourageant, qui autorise un optimisme raisonnable. Certes la chronique s’arrête souvent à la description des aspects extérieurs, secondaires, de l’événement ; elle met en relief de préférence son côté plus ou moins spectaculaire. Mais il n’en est pas moins vrai qu’au fond, et en dépit des apparences, l’homme moderne se révèle sensible au fait religieux, qu’il se montre intéressé, intrigué peut-être malgré lui, par le spirituel, qu’il apparaît curieux de voir quelle attitude va prendre 1’Église catholique vis-à-vis de certains grands problèmes humains et moraux.
L’Église ne désire rien tant que de répondre à cette attente des âmes ; et c’est afin d’être toujours mieux, à l’exemple de son divin Fondateur, une lumière pour les nations - lumen gentium - qu’elle procède à cette grande révision, à cet « aggiornamento » dont les différentes phases se déroulent sous nos yeux. En invitant tous ses fils, partout dans le monde, à entrer dans ce grand mouvement de rénovation, elle a conscience de préparer à vos pays, Messieurs, des citoyens d’une valeur morale et spirituelle plus haute, d’un patriotisme plus éclairé, d’une ardeur plus généreuse et plus soutenue au service des grandes causes qui intéressent le bien commun de l’humanité. Elle a conscience de travailler ainsi à l’élimination des malentendus et des oppositions stériles entre les races et les peuples, et de contribuer à acheminer les hommes, par les sentiers d’une vraie et cordiale fraternité, vers cette unité et vers cette paix qu’évoquait à l’instant votre Doyen, et dont Notre Prédécesseur de vénérée mémoire, le Pape Jean XXIII, avec des accents inégalables, avait indiqué les voies dans sa célèbre encyclique Pacem in terris.
3. C’est dans ce même esprit qu’à mûri dans Notre âme la grande décision que Nous avons prise et annoncée au Concile le 4 décembre dernier : celle de Nous rendre personnellement en pèlerinage sur les lieux à jamais sacrés où Dieu s’est révélé aux hommes.
Nous l’avons dit dans Notre message-radio de Noël ; ce voyage sera pour Nous celui de la profession de foi, à l’exemple de Pierre; celui de l’offrande, à l’exemple des Mages ; mais aussi celui de la recherche et de l’espérance. Ce sera donc un voyage de prière et d’humilité, un acte purement religieux, absolument étranger à toute espèce de considération d’ordre politique ou temporel. Il Nous plaît de le réaffirmer ici, devant un auditoire aussi particulièrement qualifié que le vôtre. Car Nous sommes sûr que vous voudrez user de votre influence, s’il en était besoin, pour contribuer à maintenir dans sa pure lumière spirituelle cette démarche que Nous entreprenons au nom du Seigneur - in nomine Domini - et pour empêcher, dans la mesure de vos moyens et de ceux de vos gouvernements, qu’il n’en soit donné des interprétations qui en fausseraient les vraies perspectives. Dieu Nous en est témoin : Nous n’avons devant les yeux que le bien de l'Église et de la grande famille humaine en prenant le chemin de ces lieux augustes où le Christ a revêtu une chair humaine et donné sa vie pour la sanctification, le bonheur et le salut de tous les hommes.
Il ne Nous reste, Excellences et chers Messieurs, qu’à vous offrir les vœux que Nous formons pour vous et vos patries au seuil de l’année nouvelle.
Vivement touché de ceux que vous Nous avez présentés par la voix de votre Doyen, c’est d’un cœur sincère que Nous invoquons à Notre tour sur tous et chacun d’entre vous, sur vos familles, vos gouvernements et vos pays, en gage d’une année pacifique et heureuse pour tous les peuples du monde, l’abondance des divines Bénédictions.
*AAS 56 (1964), p.47-50.
Insegnamenti di Paolo VI, vol. I p.446-449.
L’Osservatore Romano, 29.12.1963, p.1.
L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française, 1964 n.1 p.1.
La Documentation catholique, 1964 n.1416 col.111-113.
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